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22 juin 2015
L. Hervieu Paléographie

S comme la sagesse du segond choys

Segond, segonde, segondement, segonder

ou de la logique de l’écriture au 16e et 17e siècle. #ChallengeAZ


Les actes originaux choisis en exemple sont des contrats notariés photographiés aux archives départementales de la Manche.

Les transcriptions respectent les conventions suivantes :

  • Avant 1580 : absence totale d’accent grave, absence d’accents à l’intérieur des mots : seul l’accent aigu est utilisé sur la lettre e en monosyllabe ou en syllabe finale, les finales en "ée" ne sont jamais accentuées. Les règles actuelles sont appliquées concernant la ponctuation et l’emploi des majuscules, sans tenir compte de la pratique du scribe.
  • Entre 1580 et 1715 : les règles actuelles sont appliquées concernant la ponctuation et l’emploi des majuscules, sans tenir compte de la pratique du scribe. Absence d’accents à l’intérieur des mots : seul l’accent aigu est utilisé sur la lettre e en monosyllabe ou en syllabe finale, l’accent grave n’est utilisé que dans les prépositions et les adverbes monosyllabiques pour les distinguer des mots homographes ; on accentue les finales en "ée".

Segond : forme logique du mot "second" au 16e et 17e siècle.

Réfléchissons une segonde seconde : second, seconde, seconder et autres dérivés se prononcent bien "segonde" mais s’écrivent de nos jours avec un "c" sous   peine de zéro à la dictée.
En cherchant bien, on trouve la logique de cette orthographe dans la forme latine avec un "c" : secundus. Ce "c" entre deux voyelles a toujours eu tendance à se prononcer "g" comme le "c" de "draco" (latin) qui a bien évolué en "dragon", mais malgré une prononciation identique, notre "c" de "second" n’a pas suivi la même logique.

Revenons à nos tabellions du 16e et 17e siècle : ils n’ont pas de règles prédéfinies et l’orthographe utilisée pour un même mot peut varier dans le même texte sans qu’il y ait de "faute".
Sur les extraits qui suivent, la forme "segond(e)" est privilégiée.

Extrait de la minute d’un contrat de partage en date du 24/07/1552 à Saint-Germain-des-Vaux (Hague) :

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Extrait du 5 E 14940 aux archives départementales de la Manche (cliché L. Hervieu)
"[...] en segond choys [...]". Paléographie Laurence Hervieu.

Retrouvez l’acte dans son intégralité sur lesEcritoires.free.fr, photographié aux archives départementales de la Manche.

Extrait de la minute d’un contrat de partage en date de février et mars 1578 dans la Hague :

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Extrait du 5 E 14940 aux archives départementales de la Manche (cliché L. Hervieu)
"Ceste segonde partye [...]". Paléographie Laurence Hervieu.

Retrouvez l’acte dans son intégralité sur lesEcritoires.free.fr, photographié aux archives départementales de la Manche.

Dans ce même contrat de 1578, pourtant, la forme scde’, abrégé de seconde, est également employée par le scribe. C’est la démonstration que l’orthographe à cette époque n’est pas figée (p107, 13e ligne).

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Extrait du 5 E 14940 aux archives départementales de la Manche (cliché L. Hervieu)
"[...] scde’ [...]" ; forme abrégée de seconde. Paléographie Laurence Hervieu.

Cette forme "seconde" et non "segonde" qui est pourtant plus habituelle au tabellion est-elle due au fait que le mot est abrégé ?

C’est de l’ordre du possible, mais on note un peu plus tard dans le même registre en 1596 le mot "seconde" écrit cette fois en entier : il s’agit donc bien d’une segonde seconde forme utilisée aléatoirement par le(s) tabellion(s).

Extrait de la minute d’un contrat de partage en date de janvier 1596 dans la Hague :

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Extrait du 5 E 14940 aux archives départementales de la Manche (cliché L. Hervieu)
"Ceste seconde partye [...]" ; "second choix". Paléographie Laurence Hervieu.

Retrouvez l’acte dans son intégralité sur lesEcritoires.free.fr, photographié aux archives départementales de la Manche.

Cette orthographe "segond(e)" n’est pas spécifique à la Hague, on la rencontre dans d’autres régions à d’autres époques, que ce soit le Bordelais, la Champagne, la Touraine.
Un exemple dans la Manche, région de Carentan, en 1680 :

Extrait de la minute d’un accord après procès en date d’octobre 1680 à Crosville-sur-Douve, Manche :

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Extrait du 5 E 10690 aux archives départementales de la Manche (cliché F. Jacquette)
"[...] ayant epousé en segond lict [...]". Paléographie Laurence Hervieu.

Le "g" de "segond" est bien présent : de quoi rassurer les petits écoliers d’aujourd’hui qui ont tendance à écrire ce qu’ils entendent !
D’autres langues ont tranché différemment et on trouve aujourd’hui en Catalan la forme "segond", en Espagnol "segundo", en Occitan "segond".


Transcription Paléographie Laurence Hervieu 22/06/2015. Merci de ne pas maltraiter ce travail en le recopiant, faites plutôt un lien !

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